Description du livre
À partir d’une enquête réalisée entre 2014 et 2022, en pleine guerre du Donbass, à l’est de l’Ukraine, Ioulia Shukan analyse les trajectoires et les pratiques de sept femmes bénévoles de l’association Sœur de la miséricorde ATO/Kharkiv. Prenant soin des soldats blessés au centre hospitalier médico-militaire de Kharkiv, ces femmes comblent les lacunes d’une médecine militaire négligée et sous-financée depuis de longues années. Sans formation médicale et novices de l’action en commun, ces soignantes réinventent au quotidien la solidarité et l’agir citoyen. Outre les dons qu’elles collectent auprès de la population, elles apportent aux soldats un soutien psychologique et logistique, qui va du réconfort à la prise en charge financière de médicaments ou d’interventions chirurgicales. Si leur engagement contribue à la transformation de leurs vies et à leur émancipation politique, il se fait cependant au détriment de leurs positions sociales, de leurs sociabilités anciennes et même de leur famille, au risque de les précariser et de les mettre en marge de la société ukrainienne, pour laquelle cette guerre de basse intensité semble alors bien lointaine. La fabrique du commun autour du soin aux blessés militaires qui émerge de cet engagement et que Ioulia Shukan ethnographie met en lumière le fonctionnement de la société ukrainienne et la solidité des liens sociaux qui la soutiennent face à l’adversité depuis 2014. Ioulia Shukan est directrice d’études à l’EHESS, rattachée au Centre d’études russes, caucasiennes, est-européennes et centrasiatiques (CERCEC). Ses recherches portent sur les solidarités citoyennes, en particulier féminines, lors du Maïdan (2013-2014), puis durant la guerre limitée à l’est de l’Ukraine (2014-2022). Depuis l’invasion militaire à grande échelle de l’Ukraine par la Russie, elle interroge le lien entre guerre, solidarités et prise en charge des amputations de guerre, explorant par-là les problématiques globales de construction du soin et de réinvention des solidarités face au handicap en temps extrêmes.